Offre de post doctorat Equipe MIA

descriptif à télécharger en français, en anglais

Bases génétiques et non génétiques de la résistance des huitres au syndrome de mortalité massive des huitres du Pacifique (POMS)

Superviseur Vidal-Dupiol Jérémie, UMR IHPE
Localisation UMR IHPE, Montpellier
Date limite de candidature 15 Septembre 2021
Début du contrat 1 Novembre 2021
Durée du contrat 18 mois

Contact Jérémie Vidal-Dupiol (email)

Mots-clés
Génétique, Epigenetique, Transcriptomique, Héritabilité, Aquaculture, Interaction hôte/pathogène

Mission
Les interactions hôtes pathogènes sont caractérisées par une dynamique coévolutive au travers de laquelle les deux protagonistes s’infligent mutuellement de fortes pressions sélectives. Parmi les mécanismes en jeu des études récentes ont montré que l’hérédité génétique et épigénétique, devait être prise en compte comme un moteur de la variation phénotypique et donc de la coévolution hôte/pathogène. Crassostrea gigas l’espèce d’huître la plus exploitée dans le monde est confronté depuis 2008 au syndrome de mortalité massive des huîtres du Pacifique (POMS). Cette maladie, devenue panzootique, représente une menace pour l’ostréiculture mondiale mais présente toutes les caractéristique d’un bon modèle pour l’étude des mécanismes d’adaptation rapide à l’émergence de pathogène. En effet, des données récentes mettent en évidence que la résistance des huîtres à OsHV-1 µVar repose sur plusieurs mécanismes moléculaires héréditaires et non-exclusifs, impliquant des bases génétiques et non-génétiques (épigénétiques et microbiote). Les objectifs de ce projet seront donc d’étudier les bases moléculaires de la résistance des huitres au POMS au travers du tryptique génome, épigénome et transcriptome. Les réponses à cet objectif permettront d’une part de fournir des marqueurs de résistance utilisable dans des programmes de sélection assistée par marqueur et d’autre part des données permettant d’enrichir les connaissances sur le rôle de l’hérédité génétique et non-génétique dans l’adaptabilité des espèces à l’émergence de pathogène.

Activité
Etudier les bases moléculaires de la résistance des huitres au POMS au travers de l’étude du tryptique génome, épigénome et transcriptome. Cela nécessitera la réalisation : i) d’expérimentations en milieu contrôlé, ii) d’expérimentations de biologie moléculaire (extraction ADN/ARN construction de banque de séquençage…), iii) le traitement bioinformatique des données de séquence (Filtration, mapping, SNP calling, Methylation calling…), iv) la mise en œuvre d’approches biostatistiques pour l’identification d’association CpG/SNP/DEGs/Phenotypes, v) la présentation des résultats en réunion d’équipe et en congrès, vi) la rédaction d’articles scientifiques.

Compétences attendues
Le/la candidat(e) sera titulaire d’un doctorat en Génomique, Génétique, Ecologie moléculaire ou bioinformatique. Il/elle aura de bonnes connaissances en (épi)génomique, génétique quantitative et bio-informatique. Une expérience dans la recherche d’association phénotype/déterminant phénotypique est souhaitée. Impliqué(e) dans un consortium multidisciplinaire, le/la candidat(e) devra être curieux(se) des autres disciplines et avoir de très bonnes capacités de communications orale et écrite en anglais et français.

Contexte de travail
Le/la candidate intégrera l’équipe Microévolution des Interactions du laboratoire Interaction Hôte Pathogène du site de Montpellier. Il/elle aura à interagir régulièrement avec les participants du projet GestInnov en interne au sein du laboratoire et en externe avec les partenaires extérieurs.

Contrainte et risques
Des missions de terrains et des déplacements pour des réunions seront à effectuer. La manipulation de produits chimiques et agents biologiques potentiellement dangereux si les bonnes pratiques de laboratoire ne sont pas respectées seront à effectuer.

Programme de recherche détaillé

1 Contexte scientifique

Les interactions hôtes pathogènes sont caractérisées par une dynamique coévolutive au travers de laquelle les deux protagonistes s’infligent mutuellement de fortes pressions sélectives.
Ainsi, les populations de pathogènes vont au grès de la sélection naturelle acquérir de nouveaux mécanismes leur permettant de contrer les stratégies de défenses des hôtes qui subissent-elles même de perpétuelles évolutions.
Parmi les mécanismes en jeu, seuls ceux qui étaient codés par le génome ont très longtemps été considérés. Des études récentes ont montré que cette vision devait évoluer et que l’hérédité non-génétique, notamment épigénétique, devait être prise en compte comme un moteur de la variation phénotypique 1. Ainsi, il faut désormais considérer que le phénotype de l’hôte, codé par le génotype et l’épigénotype (sous influence environnementale), est le matériel sur lequel la sélection par le pathogène agit (et vice-versa) et c’est ce phénotype qui sera transmis à la descendance 2. Des études récentes menées en milieu contrôlé ont combiné l’étude des facteurs génétiques et épigénétiques ; elles ont pu expliquer des phénomènes jusqu’alors incompris, notamment chez les invertébrés, comme l’induction d’une résistance au cours de la vie d’un génotype initialement sensible puis, la transmission de ce trait aux générations suivantes (priming/shaping transgénérationnel ; 3,4).
L’implication concertée de ces mécanismes génétiques et épigénétiques doit maintenant être appréhendée en populations naturelles et chez de nombreux modèle afin d’en déterminer la validité dans un contexte écologique. Ceci représente un prérequis nécessaire pour déterminer l’importance du couple génétique/épigénétique dans l’adaptabilité des espèces en milieu naturel et plus particulièrement dans les émergences de maladies, un phénomène de plus en plus fréquent et problématique à l’aire anthropocène 5.
Dans le contexte d’intensification et de mondialisation de l’aquaculture les épidémies ont eu un impact considérable sur de nombreuses industries aquacoles. La principale espèce d’huître exploitée dans le monde et en France, Crassostrea gigas, n’échappe pas à cette règle. En effet, au cours des vingt dernières années, des épidémies de mortalités récurrentes ont été enregistrées dans la production de C. gigas 6. En 2008, la profession a dû faire face à un événement sans précédent, devenu aujourd’hui annuel, de mortalités massives pouvant atteindre localement jusqu’{ 80% des juvéniles 7. En 2016, ce taux de mortalité a atteint au niveau national 66,7% des juvéniles de moins d’un an 8. Cette maladie, appelée syndrome de mortalité massive des huitres du Pacifique (POMS), est d’étiologie complexe. Récemment, notre groupe a développé une approche holistique pour en caractériser la pathogenèse. Nous avons démontré que cette maladie est polymicrobienne. Le processus débute par une infection virale causé par l’herpes virus OsHV-1 µvar. Cette infection touchant en partie les cellules immunitaires de l’huître induit l’immuno-depression de l’hôte ouvrant la voie à une infection bactérienne secondaire conduisant à la mort par septicémie (de Lorgeril et al. 2018).
Dans cette même étude nous avons démontré qu’au niveau du phénotype moléculaire les familles d’huîtres résistantes développaient une réponse antivirale plus rapide et plus intense que les sensibles 9. Par ailleurs, le niveau de transcription basale de certains gènes semble pouvoir prédire la résistance ou la sensibilité d’un individu 9-12.
Si cette maladie est polymicrobienne, les déterminants de la résistance sont eux aussi multifactoriels. Des études de génétique quantitative ont montrées que la résistance est un trait héritable 13, reposant en partie sur la séquence d’ADN grâce { l’identification de QTL 14,15. D’autres études, en lien avec le microbiote, montrent que certains microorganismes (et notamment une espèce de cyanobactérie) sont spécifiquement associés aux huîtres résistantes ou sensibles et peuvent être utilisés comme prédicteurs des mortalités 16. Il a également été montré qu’une exposition au cours du développement embryonnaire à une flore microbienne diversifiée permet d’améliorer de 50% le taux de résistance de la cohorte exposée grâce à un effet immuno-modulateur17.
Dans ce dernier travail, il a été démontré que ce phénotype d’immunité améliorée était transmis par voie transgénérationnelle suggérant l’implication de mécanismes épigénétiques dans l’expression de cette résistance 17. Cette dernière hypothèse a récemment été confirmée en milieu naturel où des populations sauvages d’huîtres génétiquement non différenciées présentaient des contrastes de résistance importants bien que séparées de seulement quelques centaines de mètres18.
L’émergence récente du pathogène OshV1-µvar, les fortes pressions de sélections qu’il exerce et l’origine multifactoriel de la résistance/tolérance des huitres à ce virus positionne cette interaction comme un modèle parfaitement adapté pour appréhender l’importance de l’information génétiques et non-génétique dans les mécanismes d’adaptation rapide à l’émergence de pathogène.
Par ailleurs, une compréhension avancé de la dynamique évolutive de cette interaction et notamment de la résistance des huitres permettrait de développer des outils de gestion de cette maladies dans les élevages.

2 Objectifs scientifiques du sujet

Les objectifs de ce projet seront donc d’étudier les bases moléculaires de la résistance des huitres au POMS au travers de l’étude du tryptique génome, épigénome et transcriptome. Les réponses { cet objectif permettront d’une part de fournir des marqueurs de résistance utilisable dans des programmes de sélection assistée par marqueur et d’autre part des données permettant d’enrichir les connaissances sur le rôle de l’hérédité génétique et non-génétique dans l’adaptabilité des espèces à l’émergence de pathogène.

3 Approche(s) méthodologique(s)

1 Échantillonnage et production du matériel biologique (en cours)
Des populations d’huîtres sauvages seront échantillonnées dans 5 bassins de productions (Bretagne, Marennes-Oléron, Bassin d’Arcachon, étang de Leucate, étang de Thau). Au sein de ces bassins, deux populations d’huitre, l’une issue de zones à forte pression infectieuse, une exempte de maladie, seront échantillonnées. Les huîtres adultes prélevées seront utilisées pour la production descendant. Les populations virales vivant en sympatrie avec les populations d’huîtres échantillonnées en zone infectieuse seront également prélevé.

2 : Infections expérimentales et validation en milieu naturel (Novembre 2021)
Des Infection expérimentale en interaction allopatrique et sympatrique seront réalisé, elles auront pour objectif de caractériser de façon standardisée la résistance des hôtes dans le cas d’interactions sympatriques (hôte et virus de la même localisation géographique) et allopatriques (hôte et virus issus de localisations géographiques différentes). Cette expérimentation produira également les échantillons qui seront utilisés pour la caractérisation des phénotypes moléculaires (transcriptome) de résistance et de leurs déterminants (génétique / épigénétique). En parallèle de cette approche en milieu controlé, chaque population d’huitre produite sera déployé à Marennes-Oléron et dans l’étang de Thau afin de valider en milieu naturel les phénotype obtenus.

3 Omic integratif
La caractérisation du phénotype moléculaire en condition « naïve » et au cours de la réponse immunitaire des hôtes (temps précoces) sera menée par une approches Quant-seq. La caractérisation du génotype et de l’épigénotype des huîtres d’intérêt sera faite conjointement par une approche de type WGBS-seq.

4 Bioinformatique et biostatistique

Le projet bénéficiera de l’infrastructure de calcul pour la mer de l’Ifremer, Datarmor. Après une première analyse qui sera menée { chaque niveau d’organisation, l’association entre le phénotype de résistance, le phénotype moléculaire, le génotype et l’épigénotype se fera en fonction des méthodologies existantes. Cela comprendra des approches telles que la détection de QTL d’expression 19, la détection de QTL par des approches de modèles linéaires mixtes 20 ou encore celle de methQTL 21. Nous prendrons en compte la structure des populations en utilisant des modèles de type nested GLM. Des approches populationnelles de type GWAS et EWAS seront également envisagées 22,23.

4 Moyens mis à disposition pour développer le projet

Les soutiens financiers nécessaires au développement de ce projet de Post-Doctorat ont été obtenus (projet FEAMP 2020 GestInnov et projet Ifremer GT-Huitre). Le projet GT-huitre a démarré en Septembre 2020 et se poursuivra jusqu’en septembre 2024. Le projet Gestinnov débutera en octobre 2021 et se terminera en juin 2024. L’intégralité de la durée du post doctorat sera donc couverte. Toutes les ressources matérielles de l’IHPE nécessaires à l’élaboration du projet [notamment les ressources bioinformatiques et génomiques] seront mises à disposition du jeune chercheur.

5 Résultats attendus et valorisation

Ce post-doctort aidera à décrypter les bases moléculaires de la résistance des huîtres au POMS. Les résultats seront valorisés par au moins une publication à fort impact et des présentations en un congrès international. En combinaison avec les autres travaux menés au laboratoire IHPE, ce projet post-doctoral contribuera à l’élucidation complète du POMS.

1 Deng, Y. et al. Epigenetic regulation of antagonistic receptors confers rice blast resistance with yield balance. Science, eaai8898, (2017).
2 Cosseau, C. et al. (Epi) genetic Inheritance in Schistosoma mansoni: A Systems Approach. Trends in Parasitology, (2016).
3 Galindo-Villegas, J., García-Moreno, D., de Oliveira, S., Meseguer, J. & Mulero, V. Regulation of immunity and disease resistance by commensal microbes and chromatin modifications during zebrafish development. Proceedings of the National Academy of Sciences 109, E2605-E2614, (2012).
4 Mukherjee, K. et al. Experimental evolution of resistance against Bacillus thuringiensis in the insect model host Galleria mellonella results in epigenetic modifications. Virulence, 00-00, (2017).
5 Harvell, C. D. et al. Climate warming and disease risks for terrestrial and marine biota. Science 296, 2158-2162, (2002).
6 Pernet, F., Lupo, C., Bacher, C. & Whittington, R. J. Infectious diseases in oyster aquaculture require a new integrated approach. Phil. Trans. R. Soc. B 371, 20150213, (2016).
7 Solomieu, V. B., Renault, T. & Travers, M.-A. Mass mortality in bivalves and the intricate case of the Pacific oyster, Crassostrea gigas. Journal of invertebrate pathology 131, 2-10, (2015).
8 Larronde-Larrectche, M. De forts taux de mortalités sur le naissain d’huîtres. Culture Marine 309, 7, (2017).
9 de Lorgeril, J. et al. Immune-suppression by OsHV-1 viral infection causes fatal bacteraemia in Pacific oysters. Nature Communications 9, 4215, (2018).
10 Azéma, P., Travers, M.-A., Lorgeril, J., Tourbiez, D. & Dégremont, L. Can selection for resistance to OsHV-1 infection modify susceptibility to Vibrio aestuarianus infection in Crassostrea gigas? First insights from experimental challenges using primary and successive exposures. Veterinary research 46, 139, (2015).
11 de Lorgeril, J. et al. Differential basal expression of immune genes confers Crassostrea gigas resistance to Pacific oyster mortality syndrome. BMC Genomics 21, 63, (2020).
12 Rosa, R. D. et al. A hemocyte gene expression signature correlated with predictive capacity of oysters to survive Vibrio infections. BMC Genomics 13, 252, (2012).
13 Azéma, P. et al. Genetic parameters of resistance to Vibrio aestuarianus, and OsHV-1 infections in the Pacific oyster, Crassostrea gigas, at three different life stages. Genetics Selection Evolution 49, 23, (2017).
14 Gutierrez, A. P. et al. A Genome-Wide Association Study for Host Resistance to Ostreid Herpesvirus in Pacific Oysters Crassostrea gigas. G3: Genes|Genomes|Genetics 8, 1273-1280, (2018).
15 Sauvage, C. et al. QTL for resistance to summer mortality and OsHV‐1 load in the Pacific oyster (Crassostrea gigas). Animal genetics 41, 390-399, (2010).
16 Clerissi, C. et al. Microbiota Composition and Evenness Predict Survival Rate of Oysters Confronted to Pacific Oyster Mortality Syndrome. Frontiers in microbiology 11, (2020).
17 Fallet, M. Etude de la réponse environnementale et transgénérationnelle chez l’huitre creuse Crassostrea gigas : focus sur les mécanismes épigénétiques, Université de Perpignan Via Domitia, (2019).
18 Khamo Gawra Gawra, J. et al. in Epigenetic in Marine Biology.
19 Kliebenstein, D. Quantitative genomics: analyzing intraspecific variation using global gene expression polymorphisms or eQTLs. Plant Biology 60, 93, (2009).
20 Wang, D., Zhu, J., Li, Z. & Paterson, A. Mapping QTLs with epistatic effects and QTL× environment interactions by mixed linear model approaches. TAG Theoretical and Applied Genetics 99, 1255-1264, (1999).
21 Cortijo, S. et al. Mapping the epigenetic basis of complex traits. Science 343, 1145-1148, (2014).
22 Flanagan, J. M. in Cancer Epigenetics 51-63 (Springer, 2015).
23 Korte, A. & Farlow, A. The advantages and limitations of trait analysis with GWAS: a review. Plant methods 9, 1-9, (2013).